D'après une histoire vraie

De certains mots, de certains regards, on ne guérit pas. Malgré le temps passé, malgré la douceur d'autres mots et d'autres regards.


Il y a une grande différence entre ce que tu ressens, la manière dont tu te perçois, et l'image que tu donnes de toi. Nous portons tous la trace du regard qui s'est posé sur nous quand nous étions enfants ou adolescents. Nous la portons sur nous, oui, comme une tache que seules quelques personnes peuvent voir.


Est-ce que chacun de nous a ressenti cela au moins une fois dans sa vie, la tentation du saccage? Ce vertige soudain - Tout détruire, tout anéantir, tout pulvériser - parce qu'il suffirait de quelques mots bien choisis, bien affûtés, bien aiguisés, des mots venus d'on ne sait où, des mots qui blessent, qui font mouche, irrémédiables, qu'on ne peut effacer. Est-ce que chacun de nous a ressenti cela au moins une fois, cette rage étrange, sourde, destructrice, parce qu'il suffirait de si peu de choses finalement, pour que tout soit dévasté?


L. paraissait étonnée. Selon elle, il était impossible, à l'âge adulte, d'avoir plusieurs amies. Plusieurs vraies amies [...] J'ai dit que pour moi il y en avait plusieurs. Chacune de ces relations avait sa tonalité propre, son rythme et sa fréquence, ses sujets de prédilection et ses tabous. Mes amies étaient différentes les unes des autres et je partageais avec elles des choses différentes. Chacune comptait pour moi, de manière unique.


A l'âge adulte, l'amitié se construit sur une forme de reconnaissance, de connivence: un territoire commun. Mais il me semble que nous recherchons chez l'autre quelque chose qui n'existe en nous-même que sous une forme mineure , embryonnaire ou contrariée. Ainsi, avons-nous tendance à nous lier avec ceux qui ont su développer une manière d'être vers laquelle nous tendons sans y parvenir.


Combien de temps faut-il pour être une femme comme ça, me demandais-je en observant L., comme j’avais observé des dizaines de femmes avant elle, dans le métro, dans la file d’attente des cinémas, aux tables des restaurants ? Coiffées, maquillées, repassées. Sans un faux pli. Combien de temps pour parvenir à cet état de perfection, chaque matin, et combien de temps le soir, pour les retouches, avant de sortir ? Quel genre de vie faut-il mener pour avoir le loisir de dompter ses cheveux en brushing, de changer de bijoux chaque jour, d’assortir et varier ses tenues, de ne rien laisser au hasard ? Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas seulement une affaire de disponibilité, mais plutôt de genre, quel genre de femme l’on choisit d’être, si tant est qu’on ait le choix.


De quoi crois-tu que sont faits les écrivains ?
Regarde-toi, regarde autour de toi ! Vous êtes le produit de la honte, de la douleur, du secret, de l'effondrement. Vous venez des territoires obscurs, innommés, ou bien vous les avez traversés. Des survivants, voilà ce que vous êtes, chacun à votre manière et tous autant que vous êtes.


Peu de gens savent se manifester si on ne les appelle pas. Peu de gens savent franchir les barrières que nous avons plantées dans la terre meuble et boueuse de nos tranchées. Peu de gens de gens savent venir nous chercher la ou nous sommes vraiment. Car tu es comme moi Delphine, tu n'es pas du genre a appeler au secours. Dans le meilleur des cas il t'arrive de mentionner a posteriori, et si, possible au détour d'une conversation, que tu viens de traverser une periode difficile


Dans la vie, il y a ceux dont on se souvient et puis ceux qu'on oublie. Ceux qui laissent une empreinte, ou qu'ils aillent, et ceux qui passent inaperçus, qui ne laissent aucune trace.