GRANGE Jean Christophe

LONTANO - MINKONDO

 

Le clou de la collection était une série de statuettes percées de pointes de métal, de tessons de bouteille, couvertes de chaînes, de fibres, de plumes souillées de sang: des mikondi provenant du Mayombé, dans le Bas-Congo. Ces effigies étaient des armes contre les sorciers et leurs envoûtements. Morvan en avait souvent expliqué le principe à son fils: le nganga, le guérisseur, les activait en y plantant un clou ou un morceau de verre.

 

"- Ca va bien au delà des croyances ! C'est une métaphysique. La trame même de l'existence. Chez les Noirs, il n'y a pas de hasard ni de fait inexplicable. Entre Dieu et les hommes, il existe un entresol : l'étage des esprits, des forces occultes. un congolais meurt du sida : version occidentale. Vérité arficaine : un de ses fils est sorcier et l'a tué en lui envoyant la maladie."

 

— Parfois, commenta-t-il spontanément, la vie ne suffit pas. Je veux dire : la vie banale qui consiste à respirer et à chercher le confort sur terre. Pour certains, l’étoffe doit être plus belle, plus pure, plus héroïque.

 

Comme disait Nietzsche : " Veux-tu avoir la vie facile ? Reste toujours près du troupeau et oublie-toi en lui."

 

Après le génocide du Rwanda, les Tutsis avaient poursuivi les milices hutues jusqu'au Congo. Ils en avaient profité pour chasser Mobutu du pouvoir et bombarder Laurent-Désiré Kabila président, lequel s'était empressé de se retourner contre ses alliés, déclenchant une deuxième guerre du Congo entre armée régulière, militaires tutsis, réfugiés hutus, milices rebelles, Casques bleus.
Dix ans plus tard la guerre continuait toujours à l'est et la RDC était le dernier pays au classement de l'indice du développement humain des Nations unies.
La pire terre où voir le jour...

CONGO REQUIEM

Quand on n’a rien, le bagout colmate l’espoir.


L'ennemi historique de Grégoire Morvan. Appartenant à la génération suivante, celle qui avait biberonné aux illusions du mitterrandisme, Pascal Viard représentait aux yeux du Padre tout ce que le socialisme avait apporté d'hybride et de détestable dans la cause gauchiste - Un mélange de bonne conscience hypocrite et de logique bourgeoise roublarde. Pour Morvan, mieux valait encore se tromper avec sincérité, comme les maoïstes ou les trotskistes, que de profiter du système avec duplicité. Pascal Viard était la caricature du faux artiste intello, socialo, écolo, altermondialiste... Monsieur Voeux-Pieux en personne. A la maison Poulaga, où le principe de réalité prédomine, son cas constituait une vraie curiosité : un flic en veste de velours, savamment décoiffé et mal rasé, portant foulard et mocassins élimés, mangeant bio et circulant à vélo, débitant des discours ronflants en tirant sur sa cigarette électronique, vraiment, ça valait le détour.


La misère de l'Afrique : personne ne songe à changer le système - violence, corruption, barbarie à tous les étages. Chacun vise au contraire à l'utiliser pour se tailler une place au soleil.


Des vers de Léopold Sédar Senghor lui revinrent en mémoire : "Avant que le destin jaloux ne te détruise en cendres pour nourrir les racines de la vie".


La peur, c'est comme le froid, il faut bouger, s'agiter pour ne pas se laisser emprisonner par elle.



Le Serment des Limbes

«La consommation, c'est la religion de l'homme moderne!»

Le diable ne donne rien pour rien. Au moment où le sujet meurt, Satan propose son marché. La vie sauve contre une totale soumission. La promesse de faire le mal. On appelle cette "transaction" le Serment des Limbes...."Lex est quod facimus". Le possédé écrira la loi nouvelle par ses crimes.


 

Le vrai secret de la foi, ce n'est pas de pardonner, mais de demander pardon - au monde tel qu'il est, parce que nous n'avons pas su le changer.

 


La sempiternelle citation de Charles Beaudelaire, tirée du "Spleen de Paris" : "La plus belle ruse du Diable est de faire croire qu'il n'existe pas".