Je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants »
conclut Anne BEREST en achevant l'histoire de sa famille au XX siècle.
Lélia Picabia, mère de la romancière, fut conçue durant l'occupation par ses
parents, opérateurs radios opérant pour un réseau de résistance … on devine son sort si ceux ci avaient été capturés par l'occupant. Son père Vicente se suicida après la guerre, Myriam, sa mère,
se remaria et, durant des décennies, garda le silence sur son enfance et son mariage.
Myriam Rabinovitch, la grand mère, née à Moscou en 1919, grandit dans une fratrie
de trois enfants, fuit la Russie avec ses parents vers la Lettonie. Puis ils s'installent en Palestine, cultivent des oranges, et arrivent enfin en France. Ils apprennent rapidement le français,
Myriam et sa soeur Noémie collectionnent les premiers prix pendant que leur père
innove, dépose des brevets et crée une société. Cette intégration exemplaire ne suffit pas pour obtenir leur naturalisation et quand la guerre éclate la famille est contrainte de se réfugier dans
l'Eure. Myriam se marie le 14 novembre 1941, devient ainsi française, et s'installe à Paris avec Vicente Picabia.
Le 13 juillet 1942, la gendarmerie se présente au refuge des Rabinovitch,
interpelle les enfants Noémie et Jacques qui sont emprisonnés à Evreux,
internés au camp de Pithiviers, déportés le 2 aout vers Auschwitz… Jacques est gazé, Noémie succombe du typhus.
Le 8 octobre, Ephraim et Emma, les parents sont à leur tour arrêtés, dirigés vers
Drancy et achevés dès leur arrivée le 6 novembre à Auschwitz
Myriam, sans aucune nouvelle de ses parents, part
en Provence, rejoint le réseau animé par le Capitaine Alexandre
alias René Char qui plastique la maison de Jean
GIONO, retrouve Vicente incarcéré à Dijon, puis le couple remonte à Paris où
il est recruté par les services britanniques.
A la libération, elle guette devant l'hotel Lutetia le retour des déportés et
prisonniers. En vain … polyglotte elle s'engage comme traductrice dans l'armée pour oublier ce passé sinistre.
Remariée Myriam Bouveris refait sa vie, tait sa judéité, élève ses enfants puis accueille ses petits enfants l'été
en Provence.
En 2003, une carte postale est adressée à M Bouveris ; quatre prénoms Ephraim,
Emma, Noémie et Jacques en constituent le texte énigmatique qui va
inciter Lélia Picabia à s'intéresser à l'histoire des Rabinovitch.
En 2020, la fille d'Anne
BEREST est traitée de juive par un écolier … avec sa mère Lélia,
elle reprend le fil du drame, rencontre les derniers survivants ayant connu leurs ancêtres et publie cet extraordinaire témoignage qui est à la fois un livre d'histoire et un manuel d'éducation
civique traitant les sujets graves que sont les migrations, le racisme et l'antisémitisme. Et un bel hommage rendu à celles et ceux qui ont abrité, aidé, nourri les proscrits, au péril de leur
vie.
Cette carte postale mérite d'être lue, notamment par les lycéens, qui seront
sensibles au destin de Noémie et Jacques, adolescents apatrides,
entonnant la Marseillaise le 13 juillet 1942 dans le fourgon cellulaire qui les mène au calvaire.
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